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Une année en Indonésie...

27 janvier 2010

Joe' le becak

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Sans le becak, Medan ne serait pas Medan. Ca doit etre comme les taxis londoniens ou new yorkais, ils font partie du paysage. Bruyants, colores, a la conduite hasardeuse, lieux de sieste improvise quand les clients ne sont pas legions, lieux de bataille quand les clients sont la...ils sont toujours presents, dans les bons comme dans les mauvais moments. A tel point que generalement, les Indonesiens ont leur propre becak driver, qu’ils appellent quand ils en ont besoin. Mais j’ai voulu tester plusieurs chauffeures de becak, pour rigoler...et je n’ai pas ete au bout de mes surprises.

Essence frelatee!

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-          Certains aiment parler plus que tout, chose courante. Ils en oublient meme de demarrer au feu vert, voire meme de regarder ou ils vont (j’en suis deja a mon troisieme accident de becak, sans gravite, ce qui est un exploit quand on sait que les becak sont un assemblage de vielle moto/scooter/vespa, de ferailles et de bois). Quand je leur dis que je suis francais, on parle foot...et ils me parlent toujours des memes joueurs: Zidane, Thierry Henry (notre Maradona a nous, la ligne de touche en moins sous le nez), Benzema (j’attends qu’il confirme au Real sinon je vais avoir l’air d’un con) et...Ribery. La “motocyclette’ ayant l’immense avantage d’etre musulman. Sarkozy, notre homme providentiel, n’est jamais cite...j’en suis profondemment vexe, et je suggere que Frederic Lefevre, toujours a l’affut d’une connerie, lui propose de venir ici...ou alors Sarkozy devient musulman...mais dans ce dernier cas, gare au retour de minaret.

-          Pour etre chauffeur de becak, le permis de conduire ne sert a rien. Il suffit d’etre imprudent. Le must etant, pour le chauffeur de becak (mais beaucoup moins pour son passager) de n’avoir aucun retroviseur, pas de phare avant, pas de clignotants, des pneus uses, une becane aux portes du cimetiere des elephants local, et une connaissance approximative des rues et de leur emplacement.

-          L’important, c’est la reprise de l’engin. Si ca ne suffit pas pour eviter les accidents, cela suffit a s’echapper...

-          Si la technique et la technologie ne sont pas importants, l’esthetique, par contre, est primordiale: fleurs en plastique sur le guidon, frous frous aux couleurs delavees, bache avec Mickey et tous ses amis font fureur. A moins que vous ne preferiez une bache faite d’une affiche politique ou d’une publicite decoupees. Il y a le choix. Et l’option cabriolet existe aussi, mais s’il pleut... A propos du becak cabriolet, j’en connais un de ma rue qui est conduit par un vieil homme. Bon, ca va pas vite, ca tremblotte, mais comment dire...sur une grande avenue, on se sent comme De Gaule remontant les Champs Elysees...une experience unique. Un jour je vais leur dire que je les ai compris...

-          La debrouille, le systeme D, restent le meilleur moyen d’arriver a bon port: eviter les embouteillages, esquiver les nids de poule (apres mesure, le record homologue par mes soins est un trou de 40 cm dans la chaussee, ce qui m’a valu le regard consterne des locaux durant la seance de mesure), eviter pietons, chats, chiens et rats intempestifs...cela recquiert des reflexes.

-          Conduite sur eau...ou aquaplanning controle. Moise n’etant pas au gout de la religion dominante, on ne peut que se fier a son instinct. En saison des pluies, il m’est pas rare que certaines rues soient recouvertes de plus de 10 cm d’eau. Outre le fait que l’on ne voit pas ou on va, surtout de nuit (je tiens a rappeler que la nuit tombe vers 18heures), le moteur peut se retrouver sous l’eau... Il convient alors de faire confiance a la fois au chauffeur et a la mecanique. Ce qui demande un esprit positif a toute epreuve.

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        Il arrive aussi que le chauffeur du becak ne comprenne pas ou vous allez. La, ca devient dur, comme le prouve une experience vecue en octobre. Le trajet depuis mon bureau et ma maison dure generalement 15 a 20 minutes, selon le trafic routier. Ce soir la, il dura 1h30. Ce jour la, je sors du bureau et hele un becak, puis lui indique mon adresse. Tres confiant, j’ai droit a un Yes Mister auquel je ne crois guere. La suite me donna malheusement raison. Nous voila donc parti par une route que je ne connais pas, mais chaque chauffeur a son itineraire de predilection, donc je ne m’inquiete pas. Au bout d’une vingtaine de minute, nous nous engageons sur une voie frequentee par de nombreux camions. Il faut savoir que peu de camions entrent dans Medan, principalement a cause du trafic routier. J’en conclus donc que nous sommes sur la mauvaise voie et propose au chauffeur de regarder la ccarte de la ville de Medan, dont je ne me separe jamais. Apres un rapide coup d’oeil, il me dit qu’il a compris, le tout accompagne d’un Yes Mister. Dans le dedale des rues, j’avais perdu le sens de l’orientation depuis bien longtemps. Mais il m’amene dans une rue s’appelant Jalan Pembangunan (Rue du Developpemenet). La rue ou j’habite porte le meme nom, mais je ne reconnais pas la rue. Deux constats s’imposent:

-          Le chauffeur de becak ne sait pas lire une carte

-          Il existe deux rues du developpement a Medan, et rien ne permet de les distinguer sauf une carte, ce qui renvoie directement a la preniere remarque

        Conclusion: nous sommes a nouveau perdus. Apres une rapide consultation aupres d’un warung (ce que j’apelle les boui boui ou je mange habituellement) nous partons dans une direction opposee. Las de me promener, et sachant que le prix de la course avait ete fixe a l’avance comme il est de coutume, mon chauffeur de becak voit une eglise...et s’arrete.  Il faut savoir que les Indonesiens fonctionnent avant tout sur des associations d’idees, comme la structure de leur langue en est la demonstration. Et generalement, l’association d’idees est sommaire. Dans ce cas: “blanc = chretien = eglise”. Donc, selon mon chauffeur, j’habitais dans une eglise, et la premiere trouvee etait la bonne. Manifestant mon enervement, il comprend que ce n’est pas la que j’habite et accepte enfin de me faire confiance. Je me suis donc retrouve a faire le copilote du chauffeur avec ma carte afin de retrouver ma taniere...ce qui, au final, a pris 1h30...et dire que ce soir la j’etais fatigue et presse de rentrer chez moi...

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27 janvier 2010

La ferme aux crocrodiles...

27 janvier:

                Pas vraiment envie de commenter cet épisode de ma vie. De pauvres bêtes entassées dans un endroit putride. Et dire que ces animaux, aujourd’hui confinés dans des bassins en béton étaient parmi les maitres de la mangrove locale il y a encore quelques décennies. Voici les meilleures photos que j’ai pu prendre. Un endroit a éviter a mon avis, surtout si on aime les animaux...

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Objectif numero 1: se faire une place au soleil!

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Pour 30 000 roupies indonesiennes (un peu plus de deux euros), vous aurez le privilege de voir un canard ou un poulet se faire dechiqueter en une seconde. En meme temps, donner du canard aux crocodiles, c'est un peu donner de la confiture a des cochons. En moins violent, certes, mais j'ai prefere ne pas participer a ce genre de mise en scene...

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A force de ne pas bouger, on fait du gras!

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Je veux des bisous!

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Non, ce n'est pas un tronc d'arbre... c'est l'un des crocodiles les plus chanceux, il a le droit a un regime de semi-liberte!

27 janvier 2010

Bonne annee! Selamat tahun baru!

Réveillon 2010-01-09

                Que dire si ce n’est “Bonne et heureuse année 2010 a vous tous!”. En Indonésien: “Selamat tahun baru 2010!

                Pour moi, ce fut un réveillon sans neige ni froid. Par une température extrême de 28 degrés, au milieu des pétards et des feux d’artifices à courte/très courte portée, j’ai passé le réveillon dans le restaurant dénommé Traders... pas de quoi casser trois pattes à un canard... Mais la nature faisant bien les choses, il n’y avait pas de canard au menu. Mais pour 20 euros, j’ai eu droit à un menu de 9 plats et je me suis même vu offrir une fausse horloge Seiko d’un style douteux. Un cadeau qui ne m’a pas coûté un rond et que je garde precieusement dans un placard!

                Je retiendrai néanmoins le Champagne au Martini: c’est mauvais, je n’aime pas du tout, mais je ne connaissais pas...

27 janvier 2010

Mon quartier, ma rue, mon appartement

27 janvier:

          Quelques petites précisions sur mon lieu de vie à présent... Je vis dans la Rue du Développement (Jalan Pembangunan), près de la rue Mansyur, à côté de l’Université de Nord Sumatra (Universitas Sumatera Utara, USU pour les intimes). Etant é proximité d’une des plus grandes universités d’Indonésie, le quartier est jeune. Mais on est loin du quartier latin (que Coluche appelait le quartier lapin en 68). Les jardins/bois de l’Université sont sympas pour aller se balader, voire même faire son footing, mais dans ce dernier cas, il vaut mieux se lever de bonne heure, avant que la chaleur, l’humidité et la pollution ne viennent vous empêcher de respirer. 6h30 du matin est une heure acceptable. Pleins de jeunes partout, à pieds ou en moto, allant de droite et de gauche, toujours souriants... autant dire que ca fait plaisir à voir! Et qui dit étudiants dit petits commerces en tous genres et dortoirs mixtes (rares, très rares) ou unisexes (beaucoup plus communs, il y a ceux pour les pria, les garçons, et ceux pour les wanita, les filles). Bref, la journée mon quartier est plein de vie, fourmille, trépigne et gigote. Par contre, le soir, l’ambiance est studieuse, mis a part pour les quelques jeunes gens qui viennent “s’encanailler” dans la rue... Attention, on est plus proche de la petite romance discrète des romans courtois que de la drague de boîte de nuit. Quelques petits groupes mixtes qui se réunissent à la nuit tombée, avec une guitare, à proximité d’une rizière... des éclats de rire, des taquineries, quelques accords de guitares et des chants... tout reste bon enfant, touchant...

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Jalan Pembangunan: ma rue champetre

                Dans mon quartier, plusieurs mosquées (3 ou 4, je ne compte plus), dont les appels à la prière résonnent 5 fois par jour... et une église... une petite église qui ne paye pas de mine mais qui est comble tous les dimanches, la messe étant généralement annoncée à grand renfort de musique provenant de hauts parleurs installés pour l’occasion... Il y a même une famille qui a deux cochons... Pays musulmans = dangers pour les autres religions? Venez ici, vous verrez le contraire. Même si je ne nie pas qu’il puisse y avoir des tensions.

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Un petit restaurant (rumah makan), tres vert, comme toujours!

                Qui dit étudiants dit également warung ou rumah makan (littéralement “maison manger”), ce que j’appelle des bouis bouis. Tout comme l’église, les warungs ne paient pas de mine mais ils sont pleins dès l’ouverture: des murs (quand il ne s’agit pas de 4 piquets en bois soutenant quelques tôles ondulées) sans peintures, un sol en béton ou en bois, des tables et des bancs en bois, son grill et l’inévitable petit présentoir a denrées... C’est d’ailleurs à ces petits présentoirs que l’on choisit son warung. Habituellement, chacun a sa spécialité: poissons grilles, crevettes, poulpes, calmars, poulet rôti, bœuf en sauce, le tout agrémenté de sauce pimentée, de riz ou bien encore les inévitables nouilles. Bref il y en a pour tous les goûts! Bien sûr, il ne faut pas être trop méfiant vis a vis de l’hygiène (un coup d’eau suffit a laver les assiettes et les verres, les chats sont pléthores, les mouches et moustiques aussi) et aimer partager sa table avec le dernier venu. Mais c’est tellement simple, convivial, sans prétention... et bon! Parce qu’il n’y a pas à dire... quand on passe dans ma rue à l’heure du repas, c’est une symphonie d’odeurs toutes plus attirantes les unes que les autres. Et je ne parle même pas du vendeur de brochettes au poulet épice... un régal d’odeurs à vous en mettre l’eau à la bouche!

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Un petit creux? les beignets sales ou sucres sont la!

                Il y a aussi le marchand de glaces, avec son petit triporteur à vélo et sa mélodie qu’il faut que j’enregistre a tout prix! Le pauvre, à force de pédaler, il souffre plus de la chaleur que ceux qui achètent ses glaces a moitie fondues!

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Une petite echoppe et la famille proprietaire

                Bref, un parfum de vacances éternelles, de laisser aller, de petits bonheurs simples s’échappe de ma rue. Un petit paradis hors du temps et de l’agitation de la ville...

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Des rizieres a cote de chez moi

                Ceci d’autant plus que la jalan Pembangunan se situe en périphérie de la ville, c’est-à-dire à proximité des premières rizières, bananiers et autres champs de maïs. Bref, une douceur de vivre telle qu’on dirait le Sud! Il y a aussi les petites rivières/égouts, les fleurs, les terrains vagues avec des gosses qui jouent. Et les rizières, agrémentées de leurs innombrables cordages, bandelettes et fanions, le tout articulé depuis des plates formes en bois recouvertes de branchages de palmier. Le système est simple: on s’installe confortablement dans la cabane et on regarde si des oiseaux ne viennent pas picorer les grains de riz. S’il y a des oiseaux, on tire sur une des cordes afin de faire bouger les épouvantails  et ainsi effrayer les volatiles. S’il n’y a pas d’oiseaux, on dort d’un sommeil attentif!

                Alors bien sûr, dans ce paysage quasi champêtre, il y a les animaux... Quelques cochons dans les jardins de certains chrétiens, des serpents, des rats, des chats sans queues (d’ailleurs, cette queue qui est tronquée et non absente est génétique et non pas due a un accident) et des chiens... Je ne parle même pas des innombrables libellules, insectes et autres...

                Ca vous fait penser au paradis? Et bien c’est ma rue. Un concerto de vies, de rires, de couleurs et d’odeurs qui rappellent à quiconque passe en ce lieu que malgré le gris, la faim, la soif, le bonheur sait rester simple et accessible a tout ceux qui osent ouvrir les yeux.

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Jeux improvises

                Et puis il y a les animaux du complexe résidentiel où je vis. Ils sont nombreux, mais les plus importants sont les lézards, le coq et le chien.

                Les lézards: beiges aux gros yeux, ils vous regardent depuis le plafond sans bouger. Rien à craindre, ils ne s’attaquent qu’aux mouches et moustiques, ce qui en fait des alliés précieux.

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                Le coq: alors là, c’est plus complexe. Il a fière allure et il le sait! Il s’est donc autoproclamé gardien de la résidence. Et autant dire que le gardien a ses jours. Parfois il vous laisse passer en vous toisant du regard. Et déjà, un regard de poulet, ça peut effrayer. Par contre, dans ses mauvais jours, il vous poursuit! Et il ne fait pas semblant! Mais le plus ennuyeux, c’est que nous avons un coq déréglé: il chante même en pleine nuit... et là encore, il ne fait pas semblant! Alors entre le chant du coq à 4h du matin et le premier appel à la prière,  il vaut mieux avoir le sommeil lourd! Quelqu’un a le mode d’emploi du coq?

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                Le chien: la petite Brownies. Cette chienne est vraiment adorable. Toujours contente de vous voir, câline comme ce n’est pas permis, elle est toujours prête a jouer avec vous. Et curieuse avec ça! Dès que je touche quoi que ce soit, elle veut voir, connaître, renifler. Vraiment, cette petite chienne est un amour sur 4 pattes! Par contre, au contraire du coq, un rien lui fait peur. C’est peut-être pour ça qu’ils ont pris le coq: le chien risquant de faire la fête aux intrus, il a bien fallu changer de stratégie!

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                Et vient enfin la tanière de l’ours! Il s’agit d’un petit 40m2, avec deux chambres, une salle de bain privative et même un petit coin cuisine. Je ne parle même pas du salon, qui abrite le “nid”, mon endroit de repos bienfaiteur. Je vous laisse découvrir tout cela en image!

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Le sejour

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Le coin cuisine et la salle de bain

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27 janvier 2010

Que le temps passe vite!

Mercredi 27 janvier:             

                Bonjour à toutes et à tous! Voilà 4 mois que je n’avais pas posté de textes sur mon blog... J’ai un peu honte de ne pas avoir fait vivre cet endroit de partage et d’échange depuis le mois de Septembre 2009, mais voilà, entre travail et vie quotidienne, difficile d’avoir le temps et le recul nécessaires pour vous faire partager ma vie Indonésienne... Et comme, au niveau professionnel, ma vie était tout sauf un long fleuve tranquille, j’ai préféré ne pas convertir ce blog en défouloir par respect pour mes lecteurs.

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Zebre se rendant a la mosquee... bien sur elle est en plastique, comme ornement de jardin!

                Mais, première résolution pour 2010: je vais remettre ce blog à jour dans les plus brefs délais et prendre du temps pour moi et l’écriture des articles! Et par la même occasion, vous serez mieux tenus informés de mes pérégrinations dans ce pays tout aussi étrange qu’étranger... Comme on dit: “C’est le bordel? Non, non, ici c’est l’Indonésie!

                Mais avant de vous faire subir une avalanche de posts aux sujets tous plus divers les uns que les autres (ben oui, je dois bien faire ma pub un peu!), je tiens d’emblée à vous rassurer: mon adaptation à la vie en Indonésie, même si elle n’est pas toujours des plus aisées, se passe très bien. Entre adaptation personnelle et système D, je pense pouvoir dire que non seulement je survis, mais j’irai même plus loin en disant que je vis bien.

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Priere d'enlever vos chaussures avant d'entrer dans les petits restaurants!

                Côté climat, je me suis habitué assez facilement aux 30 degrés quotidiens. Il faut dire qu’il y a pire quand même! Mais la neige hivernale européenne me manque un peu en ce moment, et ce d’autant plus que je n’ai même pas de frigo chez moi! Je n’utilise presque plus la clim’, bête noire des écologistes en tout genre, sauf avant de m’endormir afin de rafraîchir un peu l’atmosphère. Sinon, c’est ventilo en permanence, position 2, le meilleur compromis entre brise salvatrice et ronronnement des pales. Le ventilateur a mes faveurs autant pour des considérations d’ordre environnemental (forte consommation d’électricité et rejet de chaleur) que personnelles (je trouve que la climatisation “assèche” l’air)... Et en cas de coupure de courant, je fais comme les Indonésiens, je réduis mon rythme d’activité à un niveau compatible avec la touffeur ambiante, manière élaborée de dire que je glande copieusement. Pour ce qui est des orages, là aussi, on s’y fait. De toute manière, je n’ai pas le choix, j’habite visiblement dans un “couloir a orages”... et qui dit orage dit coupures d’électricité et des trombes d’eau... D’ailleurs, il vaut mieux qu’il pleuve à verse, sinon, le peu d’eau tombé sur le sol se transforme rapidement en vapeur et vient réhausser le taux d’hygrométrie ambiant. Dit de manière plus banale, si il ne pleut que légèrement, on étouffe!

                Les coupures de courant... tout un poème ici! Qu’il fasse beau ou qu’il y ait un orage, que l’on soit le matin ou le soir, qu’il y ait des travaux sur le réseau ou pas, vous êtes sûrs et certains que vous n’aurez certainement pas de l’électricité 24 heures sur 24. Bon, j’exagère un peu, il y a bien des jours où l’électricité (et l’Internet qui va avec) est disponible en continu. Mais c’est rare! Et bien souvent, personne ne connaît la raison de la panne, personne n’a été averti au préalable, et bien sûr, personne ne sait quand la fée électricité va revenir... D’un point de vue économique, je serais curieux de savoir combien ils perdent de points de PIB par an à cause de ces coupures d’électricité et de leurs conséquences (arrêt du travail, arrêt des machines, accidents de la circulation dus aux feux tricolores qui ne fonctionnent plus...). Certains, comme les grands centres commerciaux ou les hôpitaux (enfin j’espère) possèdent leur propre réseau et peuvent plus ou moins rapidement faire face aux coupures intempestives. Mais pour moi c’est toujours une scène invraisemblable, quoique banale, de faire ses courses au rayon fruits et légumes d’un supermarché, et soudain, de se retrouver plongé dans le noir avec une carotte a la main, le tout au milieu des soupirs de la foule (qui n’est même pas surprise, juste bien embêtée d’être bloquée sur l’escalator)! Sinon, pour les autres, il y a le générateur... Même si parfois, le temps de trouver de l’essence en quantité suffisante et de le démarrer, l’électricité est déjà revenue, il faut avouer que c’est une belle invention, malgré le bourdonnement et les gaz d’échappement, qui transforment les réunions en période de torture! Et si vous n’avez pas la chance d’avoir un générateur chez vous, comme c’est mon cas, vous avez intérêt à avoir de bonnes bougies qui soient facilement accessibles...car ce n’est pas quand on est dans l’obscurité totale qu’il faut se demander où sont ces foutues bougies!

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                Côté vie de tous les jours... tout va bien aussi! Comme vous le verrez dans un post ultérieur, j’ai mon petit appartement meublé, que je décore au fur et à mesure, avec ma petite cuisine, ma petite chambre, mon petit salon et ma petite salle de bain... Je commence à maitriser les chauffeurs de becak et à négocier les tarifs sans trop me faire avoir. Et pour ce qui est de la nourriture, même si je prends encore de bonnes grosses suées grâce à la cuisine pimentée locale, toujours pas de problème au niveau digestif. Ca tient! Je suis même passé de la sauce piment “normale”, avec le capuchon rouge, à la sauce piment “extra pedas” (très épicée, capuchon jaune)... C’est dire! Par contre, j’avoue que je commence à faire une overdose de nasi goreng (riz frit) et de mie goreng (nouilles frites)... il faut absolument que je trouve autre chose à manger sinon je vais craquer! Mais pour le moment, je n’ai que des patates et des petits pois. Alors je consomme encore très régulièrement du riz et des nouilles, pratiques, rapides (les nouilles et leurs condiments sont prêts en 3 minutes) et économique (même pas un euro dans le warung/boui boui du coin)... Et je ne parle même pas du cochon! Difficile, mais pas impossible, d’en trouver! Par contre, quand on en trouve, on est loin du bon vieux rôti de porc piqué à l’ail... Côté fruits et jus de fruits frais, c’est le régal. Mais il faut toujours insister sur un point: sans sucre, car les Indonésiens raffolent du sucre et en mettent des tonnes, que ce soit dans les jus de fruits, le café, etc...

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Petit bonhome

                Côté langue locale par contre, j’avoue que j’ai encore du mal... après le travail, difficile, le soir, de se motiver pour se replonger dans les bouquins! Mais bon, avec un peu de courage supplémentaire, je vais bien y arriver! Pour le moment, je maitrise quelques notions de base, mais il y a tellement de vocabulaire que je m’emmêle un peu les pinceaux!

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La belle vie... dormir au restaurant entre les repas!

                Que dire d’autre a propos de tous ces moments du quotidien? Les appels a la Mosquée ne me réveillent plus depuis longtemps et rythment mes journées, les moustiques non plus d’ailleurs, peut-être grâce a mes amis les lézards qui montent la garde (voir le prochain post sur ma maison). Je n’ai (presque) plus de sentiment de paranoïa quand je marche dans la rue et que tout le monde me regarde. Et par contre, je n’ai plus du tout peur du trafic automobile de Medan. Ca double dans tous les sens, ça klaxonne sans arrêt pour un oui ou pour un non, des gamins de 10 ans font la circulation lorsque les feux tricolores sont en panne, des piétons traversent sans prévenir, il y a des nids de poules partout, des rats/chats/chiens qui déboulent... bref c’est folklorique et ca m’amuse!

                Voila, comme vous allez pouvoir le constater dans les posts qui suivent, tout va bien ici en Indonésie! J’espère à présent que vous allez apprécier mes écrits, et n’hésitez pas à me faire part de vos commentaires!

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1 septembre 2009

Vertiges du passé

Dimanche 29 août :

                Après un samedi passé à me reposer de ces deux journées difficiles et intenses, mais aussi pour récupérer d’un méchant rhume contracté avec la climatisation, je décide que ce dimanche sera l’occasion de visiter des coins de Medan que je ne connais pas. Me voici donc parti, mais à peine sorti de l’hôtel, je me rends compte qu’il fait encore plus chaud et plus humide qu’à l’accoutumée…la faute à une pluie qui s’est abattue en début de matinée.

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           J’opte alors pour le becak (prononcez betchaaa), ce fameux sidecar qui déboule dans tous les sens parmi les rues de Medan, la plupart du temps surchargé par les cartons où les gens qui s’y entassent (le record pour le moment est de 2 adultes et 3 gamins…voyez par vous-même sur la photo, il faut être un peu acrobate, ou contorsionniste…). Le becak se décompose de la façon suivante : une moto, généralement bien vieille et fatiguée, pas le dernier modèle, d’un côté, et de l’autre un truc en bois recouvert d’une bâche (parfois de très bon goût, avec Mickey, Bourriquet et tous leurs amis…on peut choisir d’être ridicule avec style) et avec une ossature en ferraille…autant dire que l’endroit où vous prenez place ressemble plus à une charrette à une roue qu’à autre chose.

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         Circulation fluide d'un dimanche après-midi   

                   Le becak, c’est très pratique : ça passe partout, c’est relativement maniable (enfin, surtout quand le passager est un indonésien un peu maigrichon, pas un Fabien), ça a un bon klaxon, on peut se jeter en cas d’accident, et c’est plus rapide que les voitures dans les embouteillages, qui sont une institution dans cette ville, à toute heure…le seul problème quand on est plus grand qu’un indonésien moyen, c’est que ce n’est pas du tout à votre taille…du coup, vous prenez l’armature en bois de la bâche dans la tête à chaque trou dans la chaussée, et Dieu (n’importe lequel, choisissez celui qui vous convient le mieux, on est tolérant en Indonésie) sait qu’ils sont nombreux ici, vous êtes en position fœtale pendant tout le trajet (déjà qu’un buleh ne passe pas inaperçu, là il passe aussi pour un idiot), et pourtant vous n’arrivez pas à voir où on vous emmène, puisque votre champ de vision se limite à 3 mètres devant vous…du coup, vous vous convertissez automatiquement en Indonésien : vous attendez que ça passe. Surtout si vous avez envie de pisser.

                Me voilà donc parti pour le Deli Plaza…et force est de constater que les plus actifs les dimanches sont les catholiques et les chinois…qui sont souvent les mêmes. Je me ballade donc dans ce grand centre commercial tout moche en profitant de la climatisation, jusqu’au moment où, au dernier étage, j’arrive au niveau du foot en salle…je n’ai pas pu rester trop longtemps, l’envie de rire étant très forte à la vue des performances footballistiques des indonésiens…c’est un nid de Dugarry et de Rothen…clubs de L1 sans le sou, venez faire votre mercato à Medan…c’est pas cher, on peut négocier un bon prix, voire payer au kilo (ce qui fait que pour 100 kilos vous pouvez avoir 2 joueurs et demis) et la qualité n’est pas moindre que ce que l’on peut voir au stade du Roudourou…

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                Je repars donc par les rues, avec mon plan, qui, à cet endroit, ne correspond plus du tout à la réalité…Je passe donc 30 minutes à tourner en rond dans un endroit où la seule activité est le trafic des véhicules, modéré comme vous pouvez le voir sur la photo. Je parviens enfin à me diriger vers ce que je cherchais : le Medan colonial. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on ne cultive pas vraiment les vestiges de cette période de l’histoire de Medan, qui lui a pourtant conféré une grande partie de son importance en termes de port commercial et de centre de négociation pour tous types de marchandises (café, bois, huile de palme, fruits de mer, hévéa…). Les bâtiments sont dans un piteux état, envahis par la végétation et recouverts par la crasse, et en ce dimanche très calme, les rues désertes donnent un cachet indescriptible…un vertige du passé, une ville où le temps s’est arrêté, à l’image de ces anciens cinémas, qui fonctionnent toujours mais que l’on n’entretient plus… Comme cette place d’arme déserte ou encore ce grand palais, qui paraissent sans vie malgré la pelouse bien tondue…le temps ce serait arrêté, tout est en suspension, une odeur de vieux livre ou de carte postale jaunie plane dans l’air…On s’attendrait presque à croiser les fantômes des riches négociants d’hier, à voir les soldats de la coloniale britannique au garde à vous, on se croirait épié par les regards des courtisanes confinées derrière les persiennes de ce qui vraisemblablement, à un moment ou a un autre, inéluctablement, furent des bordels pour les riches négociants et gouverneurs occidentaux en mal d’exotisme et repus de gin… Un charme désuet, les souvenirs d’une époque révolue, comme les descriptions de Malraux du Shangaï de « La condition humaine »…

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Passé et modernité    

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          Demeure de négociant chinois du début du XX°

               Malheureusement, le temps, même arrêté, finit par reprendre son cours... Me revoilà plongé dans une artère bruyante où les pots d’échappement dégagent une odeur de triste et grise modernité…finalement, le spleen des anciens dandys hollandais, anglais, portugais, français, égarés sur cette île où seules les marchandises transitent et où les âmes se perdent, ce spleen baudelairien sans fond qui suinte des murs des bâtisses coloniales avait une autre saveur…Mais que pensera un expatrié en terres indonésiennes dans quelques décennies lorsqu’il imaginera à son tour ce qu’était la vie pour un étranger dans le Medan des premières années du XXI° siècle ?

                Comme pour conjurer le sort, je remonte à bord d’un becak pour revenir à ma demeure…A première vue, ce mode de locomotion n’a pas vraiment changé depuis le XIX° siècle. Et pourtant, une différence notable se fait entendre : le moteur à explosion…

                Lorsque les machines auront remplacé les hommes… que restera-t-il de leurs espérances? Le mieux est peut-être d’imiter ces chauffeurs de becak : rêver…

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1 septembre 2009

Visite de sites de plantation

Vendredi 28 août :

                Avant de vous conter (et non vous compter comme écris dans le post précédent), je tiens à m’excuser auprès de mes lecteurs pour les fautes d’orthographe et de syntaxe que j’ai commises dans mes publications précédentes…Loin de me chercher des excuses, il est vrai que j’écris en fin de journée, et que je n’ai pas le courage de me relire…Toutes mes excuses donc, en espérant que ces bévues ne vous ont pas donner envie de déserter ce blog !

                Reprenons le fil de mes aventures. Hier, j’ai donc appris avec attendre que le verbe n’est pas forcément signe d’action. Une autre leçon : ici aussi, plus c’est long, plus c’est bon, mais pas exactement pour les mêmes raisons.

                Aujourd’hui, une autre journée de terrain se profilait à l’horizon, avec un lever à 6 heures du matin pour un départ prévu à 7 heures. Autant vous dire qu’après l’épisode du jeudi, je m’attendais à un vendredi de la même facture. Je me levais pourtant à 6 heures, frais debout comme un chavroux fraichement démoulé. 7h10, le pick up est devant l’hôtel avec tout le monde à bord. Suis-je toujours en Indonésie ? En bon coordinateur de projet, je ne veux en aucun cas briser cette belle dynamique au sein de l’équipe. Nous voilà donc partis pour Pantai Labu (prononcez Pantaïe Labuuuu), ce qui requiert environ 2 heures de voiture. Nous faisons en fait le chemin inverse (et très solitaire) de la plupart des indonésiens qui vivent aux alentours de Medan : nous quittons la grande métropole. Cela ne se fait pas sans problèmes : tout d’abord nous sommes presque les seuls à prendre cette direction, et nous avons donc l’impression d’être en sens inverse sur une autoroute, nous frayant un chemin à grand renfort de coups de klaxon et de manœuvre d’évitement. Nous voyons donc arriver sur nous un mur (nous ne parlerons pas de vague en raison des tsunamis) de motos, scooters, mini vans, voitures et autres chariotes roulantes pendant près d’une heure. Puis vient la route en terre, nous arrivons vraiment en zone rurale. D’ailleurs, la photo d’hier du camion renversé avec le gars qui dort dessus vient de là…ben quoi, y’a que les équipes de Sarko qui ont le droit de jouer avec les effets d’image ? Il nous reste encore une heure de chemin de la sorte, entre les plantations de palmiers à huile (nos ennemis jurés), les maisons en bois aux toits de palmes et les bras de rivières. Sur la route, j’en profite pour goûter la mixture préparée par Parusak, et qui est censée être énergisante : gingembre, un truc inconnu, et un œuf…pas évident de bon matin, et surtout complètement anti-Ramadan. Mais comme vous allez le voir par la suite, Parusak n’est pas un musulman ultra orthodoxe.

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Centre de Belawan               

           Nous arrivons enfin à Pantai Labu, le fessier légérement endolori…nous ne voulons pas penser à la route du retour. Une brève mise au point sur le village : village de pêcheur en bord de mer, Pantai Labu est entouré de mangrove et baigne les pieds dans l’eau, un pied dans la mangrove et sa boue, l’autre dans les immondices. Il faut dire que les indonésiens, à l’instar de beaucoup d’autres populations de pays en développement, considèrent la nature comme un dépotoir. Evidemment, quand aucun système de collecte d’ordures existe… C’est d’ailleurs assez étonnant que les acteurs du développement autant que les entreprises ne se penchent pas plus sur ce « marché ». Mais ce qu’il faut savoir, c’est que le petit village a vécu un moment de communication énorme il y a quelques mois. La chaîne Gulli TV a décidé de planter, dans le cadre du projet que je coordonne à présent, 20 hectares de mangrove, avec en prime la venue de la chanteuse anglo-indonésienne Angun. On a donc construit pour l’occasion plein de petites infrastructures (pontons en bois, petite pépinière, panneaux indicateurs), qui, quelques mois plus tard, et j’ai pu le constater malheureusement, sont à l’abandon.

                L’occasion pour moi de faire un point sur ce genre d’événements promotionnels. Ils sont nécessaires pour une ONG comme la nôtre, car nous avons besoin de nous faire connaître en Occident pour récolter des fonds et développer le projet (une ONG, c’est un peu comme un étudiant : on perd de l’argent pendant des années pour en récolter les fruits plus tard : cela s’appelle un investissement, mais une ONG ne rapporte jamais en aussi peu de temps ce que peut rapporter un actif financier toxique…qui a dit que les choses sont mal foutues ?). Et en soit, la construction d’infrastructures, même peu utiles à la population locale, n’est pas néfaste et crée quelques emplois temporaires, donc quelques rentrées de fonds. Mais il faut voir au-delà de l’événement en lui-même : si les chefs de village se sentent valorisés, si les populations ont l’impression qu’on s’intéresse à elles, si grâce à cela le projet peut continuer à se développer grâce aux nouvelles rentrées d’argent, il ne faut en aucun cas que toutes ces parties prenantes soient abandonnées une fois les projecteurs et les caméras éteints. Cela va donc faire partie intégrante de mon travail…faire en sorte que « life must go on and better » après le « show ».

                Revenons à cette journée. Nous visitons quelques sites de plantation, prenons les coordonnées GPS et vérifions l’état sanitaire des arbres (et avec de la boue jusqu’aux genoux, je vous assure qu’on ne va pas loin).Il est 10h30 lorsque Parusak nous annonce d’un ton impérieux : « il est temps d’aller chercher à manger »…non ! pas au supermarché, il n’y en a pas. Nous partons donc à la pêche aux crabes…et finalement, je ne me débrouille pas trop mal : un crabe de 200 grammes ! En même temps, c’est facile : vous prenez une tige de bois, une sorte d’élastique (un tronçon de chambre à air fera l’affaire), des bouts de poissons ramassés par terre au marché, et vous attendez…3 crabes plus tard, nous rentrons à la maison du village en passant par les pépinières d’arbres de mangrove. Nous rencontrons alors un pêcheur qui nous vend un poisson chat et 500 grammes de coques (non, pas de coke !) pour environ 1 euro 50. A propos du poisson chat, je tiens à dire que si en France ce n’est pas un met très apprécié, ici, c’est un honneur que d’en manger (nous nous gardons cependant de révéler cela à nos hôtes). Nous nous asseyons donc autour de la table du bouiboui qui fait office de bureau, le tout autour de deux litres de bières à température ambiante, soit 35 degrés. Oui, Parusak est musulman (rare chez un Batak de Sumatra, cette communauté étant généralement catholique), mais Parusak a soif… et veut à tout prix nous faire plaisir ! Ramadan oui, gosier sec, non ! Ventre vide non plus d’ailleurs, puisque vient le repas : un crabe chacun, des coques à ne plus savoir quoi en faire, du poisson chat au barbecue, le tout avec du riz et de la sauce…D’ailleurs, le chef du village décide que je dois être initié à la sauce piment locale. Bon, je dois traiter directement avec lui pour le projet par la suite et je décide donc de lui faire plaisir. D’autant plus que, ne parlant pas anglais, il me parle en indonésien et je ne comprends vraiment pas tout. Mais vu qu’il rigole tout le temps, soit c’est rigolo, soit il se fout de ma gueule. En tout cas, Parusak me dit qu’il m’aime bien, et que ça l’amuse de me voir toujours plein d’entrain et si jeune (il faut dire qu’ils n’ont pas l’habitude de parler du projet avec un jeune de 26 ans). Je tente donc la sauce piment : effectivement, c’est fort, ça pique les yeux et ça fait transpirer…mais ce n’est pas mauvais… J’ai la bouche en feu, mais mon interlocuteur local est mort de rire, l’opération séduction est en bonne voie…Je vous jure, il faut savoir payer de sa personne ! En même temps, je ne sais pas si ce sont mes voyages gustatifs précédents, mais mon ventre va très bien…à moins que ce ne soit le riz, qui lui aussi est pimenté remarquez !

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             Pêche au crabe 

                Le repas terminé, nous partons sur un autre site de plantation, en compagnie d’un deuxième chef de village. Celui-là est moins jovial que le premier, plus gros aussi, mais à eux deux, on ne parvient pas à reconstituer une dentition complète ! Nous voilà donc partis en pick up, les deux chefs fumant leurs cigarettes au clou de girofle. Après un rapide coup d’œil aux plantations (la marée est en train de monter), nous allons à la maison du deuxième chef de village. Nous nous installons donc sur une sorte de table, au milieu des canards, poulets, chiens et autres moutons, avec des gamins qui me regardent de leurs yeux ébahis. Parusak discute longuement avec eux du projet, et à la fin, le chef du premier village se tourne vers moi et me dit un truc que je ne comprends strictement pas. Et il explose de rire. Vu que depuis le matin il se marre bien quand il me dit quelque chose que je ne comprends pas, je décide de lui faire comprendre que l’inverse peut être vrai…je lui réponds donc, en français dans le texte : « Tu as raison gamin, je suis d’accord avec toi, ça roule ma poule ». Et là, explosion de rire : je crois que j’ai passé un test. Je suis très jeune, d’accord, je ne comprends pas encore l’indonésien, c’est évident, mais je ne me laisse pas faire non plus. Et chez un peuple de commerçants, ça veut dire bien des choses. Après deux bourrades sur l’épaule (les indonésiens sont très tactiles entre personnes du même sexe), nous repartons. Une chose est sûre : en zone rurale, l’anglais ne sert à rien, mais alors vraiment à rien !

                Puis vient l’heure du retour, après un détour au bouiboui de Pantai Labu pour une autre discussion à propos du projet. A ce moment là, je me sens agrippé : d’une part par les gamins, qui ont ramené un ballon de foot et m’appellent Thierry Henry (il doit y avoir erreur sur la personne, et ce à plus d’un titre…de champion ?) mais aussi par deux petites bêtes. Ces petites bêtes, dont personne n’a su me dire le nom, sont des bébés singes, même s’ils ressemblent plus à des lémuriens. Me voilà donc en train de jouer au foot avec une de ces bestioles adorables (et bruyantes) sur l’épaule…

                Après une journée aussi chargée, je ne suis pas mécontent de m’endormir dans le pick up sur le chemin du retour…à plus tard !

30 août 2009

Patience…

Jeudi 27 août :

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"A camion renversé, repos bien mérité"

                Ceux qui me connaissent un peu savent que la patience est loin d’être mon atout premier. Et bien je crois que cette année en Indonésie va me mettre à l’épreuve. Au bout du compte, quand vous me reverrez, il n’y a pas 36 solutions : soit je serai encore plus impatient, soit je serai d’une zénitude absolue…à moins que je ne change pas du tout. En attendant, j’ai pris le parti d’en rire et de vous compter cette journée de travail qui en augure d’autres encore plus folkloriques par la suite.

                Commençons donc, si vous le voulez bien, par le programme initial : départ à 9 heures du bureau, direction le port de Belawan pour prendre le bateau en compagnie de Philippe, un français qui travaille pour Thalès à Paris et qui a pris 5 mois de congés pour faire le tour du monde en prenant des photos promotionnelles des projets de Planète Urgence, et de Parusak, un Batak super sympa qui est membre de Yagasu (la fondation indonésienne de défense de l’environnement qui travaille en partenariat avec Planète Urgence sur le projet de reboisement des mangroves de Sumatra). L’objectif est de se rendre sur quelques parcelles de reforestation aux alentours de Secanang. Rien de bien difficile en théorie, il suffit d’être organisé, et les choses peuvent aller relativement vite…vous allez voir que ce qui paraît simple peut rapidement se révéler compliqué…

                Ayant quelques petites choses à faire au bureau avant cette journée sur le terrain, je me rends au bureau à 8h45. Les affaires courantes expédiées, je me rends compte qu’il est déjà 9h10. Pas de quoi fouetter un chat, surtout ceux du coin qui sont déjà en piteux état. 9h15 : toujours rien, on va dire que c’est le quart d’heure toulousain qui s’est exporté à Sumatra par des voies inconnues. 9h30 : ça commence à devenir louche, tout du moins à mes yeux. Mais on m’assure que Rangga (un autre membre de Yagasu) et le chauffeur ne sont pas encore passés mais qu’ils ne devraient pas tarder, tout n’étant qu’une question de minutes. Je décide donc de patienter avec une revue indonésienne à laquelle je ne comprends rien. 10 heures : toujours rien, et je commence à me dire que le programme va tomber à l’eau, et ce d’autant plus qu’il se met à pleuvoir. 10h15 : la voiture arrive, il faut y aller, ils sont pressés. Tout n’était effectivement qu’une question de minutes, 45 pour être précis…j’apprends entre temps que le retard s’explique par le fait qu’ils ont dû accompagner quelqu’un de l’association à l’aéroport. Or ce quelqu’un n’était censé partir que demain matin…soit, je ne vais pas faire la fine bouche et je grimpe rapidement dans le pick up. Après une heure de trajet dans la circulation kafkaïenne de Medan, nous arrivons enfin au port de Belawan, qui se situe à 30 kilomètres de Medan. Il est donc presque 11 heures quand nous arrivons au bouiboui qui sert de point de ralliement des troupes pour prendre le bateau de la fondation Yagasu. J’entre dans le petit commerce mentionné où je retrouve Parusak et Philippe. Nous nous asseyons tous à une table pour s’échanger les banalités d’usage. Une fois ceci terminé, une sorte de distorsion de l’espace temps s’opère, et qui va durer près d’une heure et demie…

                Je m’explique ; après avoir échangé les salutations et discuté tous ensemble de choses et d’autres, tous mes interlocuteurs indonésiens entrent dans une sorte de méditation. Le tout à ma plus grande surprise, ainsi que celle de Philippe. Nous ne savions pas encore que nous allions assister à un moment éminemment important, voire crucial, en Indonésie : l’attente. Un moment unique et constant à la fois. Rangga, assis lui aussi à la table, fixe d’un œil morne le port sur laquelle s’abat une pluie fine. Parusak, qui est censé être musulman, et donc en train de jeûner pour le Ramadan, fume une cigarette sans bruit. Les autres indonésiens sont également assis à leurs tables, le tout dans un silence de cathédrale, ou de grande mosquée, c’est selon… Philippe et moi commençons à penser qu’ils sont en train de réfléchir à des choses et d’autres, ou tout du moins en train d’attendre quelque chose. Mais à notre grande surprise, aucune activité mentale ne semble être en fonctionnement. Une huître à marée basse pourrait faire preuve de plus d’éveil.

                Nos amis sont en train d’attendre. Mais ils n’attendent rien de particulier. L’attente se suffit à elle-même, elle n’a pas besoin d’objectif ou de sujet. En outre, l’attente ne s’accompagne pas de rituels ou de petites choses destinés à faire patienter. L’attente est une activité en soi, elle peut à la rigueur servir à faire passer le temps, mais vraiment si cela est nécessaire. Les deux occidentaux que nous sommes n’arrivons pas à comprendre : un état de béatitude aurait pu s’expliquer face à un paysage merveilleux ou un événement extraordinaire. Mais le port de Belawan est loin d’être une des merveilles du monde, et l’odeur de la marée descendante n’est pas aussi alléchante que la cuisine de Maïté.

                La marée basse…voilà qui va nous pousser à commettre le sacrilège. Nous ne pouvons pas accéder aux parcelles de plantation à marée basse, sauf à marcher dans la boue jusqu’à la hauteur des cuisses. Nous allons donc rompre l’attente par le biais du verbe…que vont en penser les indonésiens ? Philippe entame les hostilités : « Il ne fait pas très beau aujourd’hui, la lumière blanche n’est pas bonne pour les photos ». Rangga soupire, Parusak reprend : « La lumière blanche, ce n’est pas bon pour les photos ». On n’a pas avancé d’un pouce, mais nous savons qu’ils sont vivants. C’est déjà ça… Mais la force de l’attente est plus forte, elle reprend le dessus, et nos deux compères replongent dans leur torpeur sans fond, qui atteint là une dimension quasi mystique. Je laisse passer 5 minutes avant d’ajouter : « Si la lumière n’est pas bonne, et qu’il pleut comme ça toute la journée, que faisons-nous ? ». Après une profonde inspiration méditative qui pourrait rendre jaloux n’importe quel Dalaï Lama, Rangga nous dit : « Nous pouvons quand même aller voir les sites de plantation, mais les photos ne seront pas belles… ». OK, les photos ne seront pas belles, on l’aura compris, mais alors il faut prendre une décision : on y va ou on n’y va pas ? On ne va quand même pas passer la journée à regarder la pluie tomber quand même…(je rappelle ici à mes lecteurs qu’il ne s’agit pas de vacances, nous devons mener un projet de reforestation).

                Et là, c’est le contrepieds magistral ! D’un calme olympien, Parusak nous assène : « Nous attendons Philippe et son appareil photo ». Stupéfaction, je crois vivre un rêve, être passé dans une autre dimension. Je me tourne vers Philippe, il est bien là, avec son appareil photo à téléobjectif posé devant lui sur la table. Philippe ne se démonte pas : « Je suis là et j’ai tout ce qu’il faut ». Rangga : « Alors c’est quoi le programme ? ». « Allons-y, la marée basse va nous empêcher d’atteindre les parcelles si nous ne partons pas tout de suite ! ». J’ai du mal à comprendre le délire… Quelques mots sont échangés entre les indonésiens. Philippe et moi pensons avoir déclenché le départ. Mais non ! Parusak nous explique qu’il n’y a pas assez d’essence dans le bateau. Cela fait maintenant une heure que rien ne se passe, trois jours que le bateau est à quai, et personne n’a eu l’idée d’aller prendre de l’essence. Le chauffeur de la voiture s’empresse d’aller en chercher. Pas pour que nous puissions partir plus rapidement sur le terrain, mais il a envie de rentrer au bureau, histoire d’aller attendre ailleurs très certainement.

                12h30 : nous partons enfin, mais sans Rangga, qui lui aussi a décidé d’aller attendre au bureau. Quand je vous dis que l’attente est une seconde religion ! Et le côte pratique de cette religion, c’est que tout endroit peut se convertir en lieu de culte. Enfin, nous sommes dans le bateau, Parusak, qui n’a pas de permis de naviguer et qui découvre la conduite maritime depuis quelques jours, prend les commandes.

                A notre grande surprise, Parusak conduit vite le petit bateau de la fondation…il n’est pas pressé, il s’éclate comme un gosse, en se retournant continuellement vers nous pour nous faire partager son sourire. Parusak est comme ça, il est toujours content, toujours en train de déconner, toujours relax, je sens que je ne vais pas m’ennuyer avec lui dans l’équipe ! Parusak s’éclate donc, mais Parusak n’a aucune idée des règles de navigation. Sur le bateau il y a un volant, une clé de contact pour couper ou allumer le moteur, et une poignée permettant de régler la vitesse et la marche arrière…il y a 6 petits boutons aussi, mais Parusak a décrété qu’ils ne servaient à rien. Bref, nous voilà parti dans le port de Medan, au milieu des cargos, des méthaniers, des bateaux de pêche et des nombreuses autres embarcations…les connaissances des règles de navigation de Parusak sont amplement suffisantes quand on se situe en mangrove, mais pas dans les ports. Priorité ? Sens de dépassement ? Limitation de vitesse ? C’est quoi ça ? Non, on passe où on peut et le plus vite possible…Honnêtement, j’ai pas passé le quart d’heure le plus rassurant de ma vie…mais bon, nous voilà arrivés dans les bras d’eau de la mangrove…le calme avant la tempête ?

                Parusak est un gars du coin, ce qui explique qu’il connaisse tout le monde le long des berges. Nous voilà donc arrêtés contre une petite embarcation de pêche, bien entendu après que Parusak en ait sectionné les fils de pêche avec l’hélice de notre moteur… Mais tout va bien, c’est des potes à lui, il leur donne des cigarettes et ça s’arrange. Et là, le même scénario que précédemment se reproduit : après les formalités de politesse échangées, l’attente reprend…Philippe et moi sommes un peu inquiets, mais nous repartons presque aussitôt (enfin, tout est relatif, nous repartons au bout de 15 minutes, mais il y a du mieux déjà !).

                Et ce qui devait arriver arriva…nous nous heurtons soudain à l’inéluctable, ce qui était prévu et qui arrive, tellement naturellement que ça en devient incompréhensible…nous sommes à marée basse, le bateau s’échoue sur un banc de vase, il pleut des cordes, nous n’avons pas de perche de bambou pour nous dégager, et les moustiques nous dévorent…Qui aurait pu prévoir qu’en perdant plus de deux heures à ne rien faire on se retrouverait dans une telle situation ? Tout simplement stupéfiant

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      Marée basse         

            Parusak est joyeux, et rien ne l’affole. Après avoir fait tourner l’hélice à plein régime dans la vase, l’idée lumineuse surgit : on démonte des parties du bateau pour s’en servir de rames…Avec Philippe, nous n’en sommes plus à ça près, nous sommes en train de nous faire dévorer par les moustiques (ces derniers ne sont pas au courant que nous venons de mettre de l’anti moustique…), alors sans hésiter, nous démontons les battants des coffres de rangement pour ramer de concert avec Parusak, qui est mort de rire…Après 30 minutes de galère, tout rentre dans l’ordre, nous parvenons à voir quelques parcelles de reboisement, Philippe prend des photos et il est temps de rentrer.

                Sur la route du retour, nous nous arrêtons prendre de quoi nous rafraîchir dans une petite échoppe située sur la berge. Visiblement, ces petits commerces sont des points de rassemblement pour les membres du culte de l’attente. Le bouiboui se compose toujours des mêmes éléments : une partie « cuisine/pièce de stockage », sans frigo ni rien, avec entrée libre pour les animaux, une « pièce commune » où se situent les tables et les bancs (attention à vos pieds sous les tables, c’est généralement le lieu de repos des poules), le tout ouvert aux 4 vents, avec un toit de paille. Nous arrivons donc, saluons tout le monde, soit une quinzaine d’hommes de tous âges et nous asseyons. J’ai parlé de se rafraîchir, mais c’est un abus de langage : nous allons boire quelque chose. Comme je viens de l’écrire, il n’y a pas de frigo, pas d’électricité (une lampe à pétrole suffit), et les bouteilles de boisson sont là depuis des années, stockées là où il y a de la place, ce qui leur confère généralement un joli dépôt…pas d’inquiétude à avoir, elles sont bouchées comme à l’origine, le dépôt ne peut donc venir que de ce qu’il y avait à l’intérieur initialement…enfin, il faut le dire vite pour s’en convaincre.

                Dans ce cadre idyllique (nous sommes à côté d’une centrale électrique, en pleine zone portuaire), nous comprenons une deuxième vérité du culte de l’attente : il est réservé aux hommes. Les femmes se démènent, font la cuisine, servent les clients, nettoient, mais elles n’attendent pas…pas le temps d’attendre, tant pis pour elles. Mais chaque homme, dans un geste d’extrême bonté, attend pour deux, ce qui compense largement et rétablit l’équilibre dans la grande cosmogonie de l’attentisme…

                Finalement, nous avons repris le bateau et sommes rentrés à bon port, toujours selon le même adage qui avait prévalu en début d’après midi : passons là où nous pouvons… Et nous arrivâmes, heureux, à l’embarcadère, en nous disant qu’il était l’heure de rentrer chacun chez soi pour attendre le lendemain…

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25 août 2009

Premier jour du Coran et je découvre les tables de la loi de la rue de Medan…

Samedi 22 août :

            Selamat pagi (bonjour) tout le monde ! Voici encore des nouvelles de mes pérégrinations en Indonésie…il faut dire que je profite de ces premiers jours pour vous donner des nouvelles, car par la suite je n’aurais certainement pas autant de temps.

            Pour célébrer à ma façon ce premier jour du Ramadan, j’ai décidé de faire une grasse matinée…il s’agissait surtout de rattraper le sommeil perdu à cause du décalage horaire. Et force est de constater que ça a plutôt bien fonctionné, d’autant plus que je n’ai même pas entendu l’appel à la prière du muezzin. Une fois réveillé, et bardé de mon plan de la ville et de mes quelques mots d’indonésien (les différentes manières de dire bonjour suivant l’heure de la journée, merci, pardon…), je me suis lancé dans les rues de Medan. Voici les enseignements que j’ai pu en tirer :

-          Medan est l’archétype de la ville de pays en développement : circulation anarchique, multitude de véhicules hétéroclites dont certains forcent l’admiration, saleté et odeurs putrides omniprésentes, marchés à tous les coins de rue, boutiques et échoppes qui vendent de tout et surtout de n’importe quoi (si vous allez acheter des cigarettes chez le poissonnier, vous finirez par en avoir, il suffit d’être patient), pauvreté générale dans les quartiers populaires où les gros 4x4 aux vitres teintées font la loi, mais aussi et surtout, une gentillesse inégalable de la part des habitants. Désolé, pas de photos de la ville dans ce post, j’avais vraiment d’autres préoccupations, comme le comprendront ceux qui liront la suite…

-          L’architecture de Medan, ou comment croire en Dieu. En effet, Medan est assez moche comme ville, ce qui explique que la plupart des guides touristiques ne la mentionnent qu’en tant que point de transit vers d’autres endroits. Medan, c’est un peu le bordel organisé : une grande tour d’hôtel 5 étoiles, avec spa, piscine, café lounge et discothèque, côtoie un boui-boui qui vend de la nourriture pas chère, avec viande en dégustation libre pour les différents insectes et les chats…en parlant des chats, que je ne porte pas spécialement dans mon cœur d’habitude, j’ai de la peine quand je vois ceux de Medan. Ils sont tout rachitiques, certains n’ont plus de queue (ils sont passés trop près d’un minibus ?)…mais les gens les aiment bien, ils les laissent même rentrer dans leurs maisons. Je crois connaître une des raisons : eux aussi doivent avoir de la peine pour ces pauvres chats. Parce que quand on voit la taille des rats du coin qui sortent dès la tombée de la nuit (soit 18h, heure de sortie du bureau), on finit par se demander qui mange qui…Pour revenir brièvement à cette révélation de l’existence de Dieu : tout se passe comme si Medan était tellement moche par endroits qu’on ne peut pas arriver à croire que ce soit le fruit du hasard, ni même d’une volonté humaine…Alors il faut bien se rendre à l’évidence. Mais cette ville a, disons, du chien (encore désolé pour ces pauvres chats), à défaut de charme.

-          Medan n’est pas une ville faite pour les piétons. D’ailleurs, il y en a très peu, la plupart des gens se déplaçant en minibus (des vans dont je n’ai pas encore compris le fonctionnement ni les circuits, s’il y en a), en becak (sidecars améliorés qu’il faut que je teste absolument), en moto/scooter, ou bien en gros 4x4 aux vitres teintées. Cela se comprend : les trottoirs sont rares et il fait bien trop chaud et humide. C’est pourquoi j’ai fait figure d’illuminé : un buleh (l’équivalent du toubab) se déplaçant à pieds dans Medan, cela veut dire qu’il est fou ou perdu, ou encore un peu des deux. Les pauvres indonésiens qui m’ont demandé où j’allais ont dû être encore plus décontenancés : à la question des différents chauffeurs qui voulaient absolument m’amener quelques part contre quelques roupies et qui me demandaient où j’allais, je répondais invariablement que je n’en avais pas la moindre idée et que c’était très bien comme ça. Bref, un illuminé…mais pas vraiment dans le sens bouddhiste. Un vrai buleh quoi…

-          La réalité de l’urbanisme ne correspond pas à la carte, et vice et versa. 10 minutes de marche et première aporie…sur mon plan, pourtant tout neuf et de dernière version, la rue continue tout droit à un croisement, or, sur le terrain, le croisement est un « T » et non un « X ». Après renseignement auprès de la population, ce qui m’a pris environ 15 minutes le temps de trouver quelqu’un qui baragouine l’anglais comme moi, je suis bien sur la bonne rue…mais la suite de la rue ne se situe pas dans le prolongement, mais 250 mètres sur la droite. Difficile de cacher ma surprise, ce qui provoque une hilarité générale parmi la population. Bref, à moins d’être doté d’un GPS, mieux vaut se fier à son instinct, d’autant plus que les noms des rues ne sont presque jamais indiqués par un panneau, mais sur les banderoles des échoppes présentes ; or il faut connaître un minimum l’indonésien pour reconnaître la banderole d’une échoppe et la publicité d’une autre échoppe située trois rues plus loin...

-          L’être humain est un animal fragile au milieu de la circulation, ce qui s’explique par le fait qu’il n’est ni doté de klaxon ni de carapace. Bref, au départ, traverser une rue, même quand le feu est au rouge pour les voitures, relève de la gageure…j’ai bien dû passer 15 minutes à vouloir traverser une des grandes artères, cherchant en vain le bon endroit et le moment opportun. Après avoir observé les rares piétons locaux, j’ai fini par comprendre ; le jeu consiste à s’engager un peu, puis traverser les voies au fur et à mesure, sans hésiter à rester en plein milieu de la route en faisant signe aux différents conducteurs. Cela paraît dangereux, mais comme me l’a expliqué un collègue de boulot indonésien, il n’en est rien : les indonésiens ont, selon ses dires, une conduites défensive…ce qui veut dire qu’ils roulent un peu n’importe comme (oh, la litote !) mais pas vite. En gros, on a le temps de voir arriver l’accident…

-          Les trottoirs, lorsqu’ils existent, ne sont pas vos amis. Je m’explique : la grande majorité des trottoirs sont des dalles de béton qui recouvrent les égouts de la ville. Mais la ville ayant assez peu de dénivelé, du moins dans le centre, les services municipaux enlèvent certaines de ces dalles. Résultat, tous les 4 mètres, vous avez un trou béant d’environ 1m/1m50 qui donne directement dans les égouts. Mieux vaut ne pas y mettre la patte. Autre problème : les auvents des multiples petites échoppes situées sur le trottoir. Ces auvents ne sont pas hauts, à peu près à la hauteur du front. Bref, entre les trous et les tôles métalliques, il faut être vigilent. Sans parler des véhicules qui utilisent le trottoir comme la route ou qui les frôlent de très près. Il vaut donc parfois mieux marcher directement sur la chaussée…

-          Les Indonésiens ont une faculté à dormir à n’importe quel moment et n’importe où. Je les catégorise donc, avec tout le respect qu’il se doit (je ne veux vraiment offenser personne en disant cela), dans une catégorie proche de la famille des phoques. Dès qu’il n’y a rien à faire, dormir va de soi…un prochain post sera vraisemblablement consacré à la pratique du phoque indonésien, preuves en images à l’appui. J’attends pour cela d’avoir pris assez d’assurance pour les prendre en photo pendant qu’ils méditent intensément.

-          Quand on est pas puasah, c'est-à-dire en train de jeûner pour le Ramadan, il n’est pas facile de boire ou manger en cachette, afin de ne pas tenter les pratiquants. Manger, on s’en passe relativement bien étant donnée la chaleur…pour ce qui est de boire, c’est une autre histoire. Résultat, boire sa petite bouteille d’eau requiert parfois beaucoup de dextérité et un sens de l’à propos assez développé…ou on peut aussi faire comme les nombreux représentants de la diaspora chinoise qui s’en foutent royalement.

-          Le buleh que je suis attire inévitablement les regards, très généralement bienveillants, quoique dubitatifs quand vous êtes le seul piéton dans le coin. Les « hello mister » sont omniprésents, les enfants sont généralement intrigués et hasardent leurs trois mots d’anglais, et les femmes vous regardent avec pas mal d’insistance avant de se confier des commentaires à voix basse ou d’éclater de rire. J’ai bien conscience de ne pas être George Clooney, mais quand même, j’ai parfois envie de dire : « What else ? ». Je me console en me disant que j’ai déjà deux propositions de rencontres par intermédiaires forcément interposés…

-          Ceci m’amène à ma dernière constatation, les gens sont vraiment adorables…Dernière manifestation en date : mon dîner dans un boui-boui chinois de ma rue. Etant le seul client, et a fortiori le seul blanc, toute la famille s’est réunie pour essayer de discuter avec moi. On m’a présenté la petite dernière, qui ne doit pas avoir plus de 6 mois, on m’a demandé ce que je faisais dans la vie, pourquoi j’étais en Indonésie. Les présentations étant faites (soit au bout de 5 minutes chrono), on est entré dans le vif du sujet, ce qui est typiquement indonésien (il doit faire trop chaud pour tourner autour du pot) : tu es catholique ? tu es célibataire ?...et là, c’est le drame…ayant laissé entendre que j’avais peut-être quelqu’un en Europe (je n’avais pas l’intention de rentrer dans les détails, j’étais là pour manger au départ), la petite famille a décrété que j’étais célibataire…du coup, ils n’ont pas manqué de me présenter la dernière fille à marier de la famille (qui peut être très étendue quand il s’agit d’une affaire aussi importante que le mariage avec un buleh). Sans rien enlever à cette fille, j’étais quand même assez gêné. Du coup, j’utilise le rire comme diversion…ça marche, à peu près…mais c’était un rire jaune de ma part, si je puis me permettre…par contre, j’ai franchement rigolé quand le grand frère de la fille en question m’a poursuivi dans la rue alors que je partais pour me glisser : « je te comprends, si, à son âge, elle n’est pas mariée, c’est qu’elle n’est pas bonne… ». La fille ne devait pas avoir plus de 22/23 ans…ici, soit les choses vont vite, soit elles ne se font jamais, ou très difficilement visiblement !

Allez, il est temps pour moi d’aller me coucher, car le muezzin va me réveiller à 5h du matin…

25 août 2009

Pourquoi tant de bons repas ?

Vendredi 21 :

            Il est vrai, et j’en ai pris conscience en me relisant rapidement, que j’ai abondamment parlé de nourriture depuis mon arrivée, et ceci va continuer encore un peu aujourd’hui…mais pourquoi ? Ne voyez pas ici l’expression d’un quelconque malaise. Le contexte y est pour beaucoup : nous étions à la veille du Ramadan. Et aujourd’hui 21 août, il s’agit du dernier repas de midi avant un mois. Voilà donc l’explication de l’importance donnée à chaque repas par nos amis indonésiens !

            Alors qu’ai-je mangé aujourd’hui ? Des crabes entiers, des crevettes, du riz (je crois que je vais dès à présent arrêter de parler de cet aliment tant il est omniprésent), des beignets de crevettes, du poisson, une soupe aux légumes et du pika ambon (un gâteau au lait de coco dont la rue où se situe mon bureau s’est fait une spécialité, toutes les échoppes en vendant)…miam ! Un régal pour les yeux, toutes ces couleurs, et un plaisir pour les papilles, toutes ces saveurs mêlées aux odeurs de cuisine…

            Les odeurs font partie intégrante du voyage et de la découverte des cultures, au même titre que les couleurs et les sons. Les asado de Buenos Aires, les crémations de Katmandou, les épices des marchés chinois de Dunhuang, les fish and chips bien gras en Irlande, les durians du quartier chinois du XIIIème à Paris, la poussière de la quebrada de Humahuaca à la frontière bolivienne, la latérite après un orage en Côte d’Ivoire, toutes ces odeurs reviennent en ma mémoire dès que je repense à ces routes arpentées. Ces odeurs sont des traces, des fragrances de moments, comme des révélateurs qui, sont que l’on s’en rende compte, imprègnent notre esprit en même temps que nos vêtements.

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            D’ailleurs, chaque moment de la journée a ses odeurs. Ici ce serait : la touffeur du matin, ce mélange d’humidité et de chaleur qui vous aspire, s’empare de vous, comme lors de votre sortie de l’avion, sur le tarmac. En milieu de matinée, près d’un marché au bord de la route, les gaz d’échappement des tuc-tucs mêlés aux fruits et légumes vendus à même le bitume et au cambouis des ateliers. A midi, cette odeur que l’on garde depuis enfant, celle du repas, des aliments qui mijotent ou rissolent…la faim se réveille, nos papilles s’éveillent, il est l’heure de passer à table pour se mettre sous la dent toutes ces odeurs qui nous narguaient tant elles semblaient bonnes à croquer. L’après-midi : l’odeur de la sieste. Oui, les odeurs aussi se reposent. Celles du matin s’estompent lentement, celles du soir ne sont pas encore apparues…une pause, un somme, une pause en somme. Mais une pause vigilante, car tout peut revenir très vite. Puis l’orage tropical et son odeur de pluie s’avance en même temps que se retire la marée, laissant derrière elle ses effluves, comme pour dire au pêcheur : « ne t’inquiète pas, demain matin je serais de nouveau là, et tu pourras pêcher ». Il est temps de rentrer chez soi. Face à ces odeurs renvoyant à la puissance de la nature, à ce que l’on ne maîtrise pas mais subit, il est temps de s’en retourner à la bonne odeur réconfortante du foyer. Et comme pour conjurer le sort, et surtout pour se débarrasser des ordures de la journée, on allume ça et là des feux…Douce fumée qui pique les yeux à 18heures, comme pour rappeler le piquant du poisson aux épices de midi. Puis les hommes s’endorment, la touffeur revient, elle sera là encore demain matin.

            Et vous, quelles sont les odeurs qui vous marquent ? Bonne nuit les petits…

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Une année en Indonésie...
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